PHILIBERT LE ROI DES VERS DE TERRE
Un dimanche matin, ma femme, mes enfants et moi-même, nous avons vu arriver par ce chemin en direction de la montagne de Lure, un gros ver de terre avec toute sa
nombreuse famille.
Ils chantaient tous à tue-tête, même les petits, une chanson dont nous ne comprenions pas les paroles.
Très étonné de les voir se déplacer sur le sol,
je m’approche et j’ose timidement leur demander d’où ils viennent et où ils vont ?
Le plus gros prend la parole et me dit :
«Bonjour monsieur le jardinier, ma grande famille et moi-même
Philibert, venons de la montagne de Lure.
Nous avons décidé de déménager car les hivers, chez nous, sont trop longs et trop froids, nous préférons vivre tout nu. Nous n’aimons pas mettre
des chaussettes.
Alors un matin nous avons regardé au loin et mon instinct nous a guidés vers vos jardins.
Permettez-vous que nous nous installions dans la terre de votre jardin ?
Ma
famille et moi sommes affamés. Nous n’avons pas mangé beaucoup cet hiver. Il a été rude chez nous, il y avait trop de neige, la terre était gelée. Mes enfants sont tous maigres, regardez monsieur le jardinier.
Si vous nous acceptez, je vous promets de vous aider à travailler la terre en creusant des galeries, en mangeant de la terre, des déchets végétaux…pour permettre à l’humus de se faire plus facilement
et à l’eau de bien pénétrer dans le sol.
Grâce à notre activité avec celles des bactéries et des microchampignons, les racines de vos légumes vont bien nourrir les plantes et vous
aurez de belles carottes, des salades, du beau maïs, des haricots, des fraises et des framboises… »
Je lui réponds aussitôt :
« Bienvenu dans notre jardin, nous vous accueillons avec
plaisir, car ici nous respectons la nature, nous vivons en paix avec les vers des terres, les insectes, les micros organismes, les bactéries et les microchampignons …
Nous n’utilisons pas de produits chimiques ni dans
la terre ni sur les plantes pour ne pas tuer tous les insectes, les papillons, les oiseaux. Nous ne voulons pas polluer la terre, l’eau, l’air.
Nous pratiquons l’agriculture biologique, organique.
Nous
considérons la terre comme un organisme vivant. Nous aimons la nature, car c’est grâce à elle nous existons et restons en bonne santé.
Nous préférons utiliser des produits naturels qui ne polluent
pas.
Quand les plantes sont malades ou trop souvent attaquées par des insectes, nous soignons d’abord la terre en apportant plus de compost, de minéraux, des extraits de plantes … pour la rééquilibrer
et ainsi aider les plantes à mieux se défendre elle- même des maladies et des insectes.
Car la terre nourrit d’abord les plantes, puis les plantes nourrissent les animaux et l’homme.
Chaque
semaine nous pourrons vous donner encore plus de déchets végétaux, organiques,
à décomposer, quand voulez-vous commencer ? »
A ces mots, Philibert eut les larmes aux yeux.
Il semblait heureux de ce chaleureux accueil.
C’est alors que toute sa grande famille se précipita sur mes pieds pour m’embrasser sur les orteils.
C’était rigolo de voir de si petites
bouches faire des bisous, de plus elles me chatouillaient. Il y en avait partout.
Au bout de six mois, vers la fin de l’automne Philibert et sa famille avaient bien travaillé.
La récolte de légumes
magnifiques était extraordinaire et leur famille s’était multipliée. C’était impossible de les compter, il y en avait plus de deux mille ou trois mille.
Pour les remercier nous avons réuni
tout le monde et avons fait une grande fête avec un bon repas.
Pendant le repas, nous avons consacré Philibert, roi des vers de terre.
Ils vécurent heureux, eurent une très grande famille et une
longue vie.
Tous les hôtes en séjours à la Fée d’Arlane furent émus par cette consécration.
Nous en gardons un très bon souvenir.
Voici la photo
du roi Philibert, que nous avons prise à la fin de la fête.
Bruno Doumaiselle, Jardinier/cuisinier
Le chant de la cigale (haïku)
Rien ne dit
dans le chant de la cigale
qu’elle est près de sa fin
Basho
Un vieil étang
Une grenouille saute
Des sons d’eau
Basho
« Crois à l’amour, même s’il est une source de douleur. Ne ferme pas ton cœur. (…) Le lotus préfère s’épanouir au
soleil et mourir, plutôt que de vivre en bouton un éternel hiver. »
Rabindranath Tagore, Le jardiner d’amour,
Ed. NRF Poésie
Gallimard, page 64
Safran
Safran
Dans les doigts délicats qui les cueillent
Les fleurs de safran à peine écloses embaument
Leurs stigmates si convoités après séchage
Réjouissent le palais des gourmets
Par l’attention raffinée d’une cuisinière bienveillante
Lumière
Après
la brume du matin
Un rayon de lumière illumine la rosée
Aussitôt le doux relief des collines au loin se dessine
Et dans les corolles des fleurs les abeilles butinent
Etoiles
Les étoiles
dans le ciel scintillent
Serait-ce un clin d’œil d’un autre monde
Ou les cillements d’un ange bienveillant ?
Bruno Doumaiselle